Article invité ou j’accueille Valérie Blachère, auteure-illustratrice, pour partager avec nous sa vision artistique du zodiaque dans son petit conte illustré… 🙂


Capricorne (cœur d’hiver)
« Je t’attends », dit le sommet de la montagne. Le capricorne grimpe, sans craindre le froid. Un sobre manteau de neige l’enveloppe et l’invite à entrer en lui, méditer, trouver sa force.
Il grimpe : silencieux, solitaire. Il a tout son temps car plus le temps passe, plus il rajeunit (ce qui n’est pas négligeable). S’il perd courage il se récite la fable de Jean de la fontaine « le lièvre et la tortue » : « Gageons, » dit celle-ci au lièvre, « que vous n’atteindrez point sitôt que moi ce but. Notre Lièvre n’avait que quatre pas à faire. A la fin quand il vit que l’autre touchait presque au bout de la carrière, il partit comme un trait ; mais les élans qu’il fit furent vains : la Tortue arriva la première. Eh bien ! Lui cria-t-elle, avais-je pas raison ? De quoi vous sert votre vitesse ? Moi, l’emporter ! Et que serait-ce si vous portiez une maison ? »
Le capricorne sera le premier, récompensé de ses efforts par une chose unique, rare et authentique : l’edelweiss, que la montagne lui offre et qu’il cueille, avant de se laisser emporter par les courants du dégel.

Verseau (le dégel)
Le verseau ajoute son eau personnelle aux courants. Quatre gouttelettes tintent contre la roche.
« ta ta ta tan » : c’est le début de la sonate de Mozart ; « Il me semble avoir déjà entendu cet air là ! » s’exclame le verseau : « il faudrait quelque chose de nouveau ! » Il rajoute trois gouttes, tend l’oreille « ta ta, tin, tin, tin… » sa cruche se transforme en theremine puis se combine à la force du vent et le propulse sur Uranus ou il s’empresse d’organiser un concert galactique. Pas question de rester là-haut tout seul : il décide de réunir d’autres musiciens, ensemble ils mettront en place de nouveaux projets à ondes électroniques. Le verseau gardera sa theremine qui s’intégrera dans le groupe. Il fourmille d’idées. Si vous faites partie de son cercle d’amis, vous recevrez sous peu une électrovitation à un concert Uranien.

Poissons (eaux troubles)
Le poisson voudrait répondre à l’électrovitation du verseau, mais c’est compliqué : le poissons prend un « s », il est plusieurs. Il doit d’abord réunir et accorder toutes ses parties, noyées dans l’immensité de l’océan, avant de pouvoir s’engager dans une direction précise. Il n’est pas sûr des détails. Il hésite. D’ailleurs, quelle direction prendre ? Le verseau n’a rien précisé sur sa position. Le poisson cherche quelques éléments qui pourraient l’aider à trouver son chemin, puis il finit par rêvasser improductivement auprès d’une palourde aux branchies de corail. Enfin un phare s’éclaire au loin dans le brouillard. C’est un signe ! Le poisson branche son radar GPS sur l’étoile de mer, il n’a plus qu’à se laisser guider…

Bélier (folie de printemps)
Une nouvelle saison débute : c’est l’équinoxe, le début de printemps. Le vent transporte le pollen. Le soleil sort enfin la tête de l’eau. Le bélier laisse exploser sa joie incontrôlable et bondit dans les champs, écrasant quelques fleurs au passage. Pas le temps de frapper aux portes : il fonce –et défonce – toutes les portes de ses amis pour les inviter à sa grande fête. Ils n’ont plus qu’à le suivre. La nature est un peu saccagée. Mars son maître, en colère, lui demande de se calmer, mais le bélier n’en fait qu’à sa tête… Qui commande ? Mars va trouver ses amis : saturne et pluton, ensemble ils créent un minuscule virus qui oblige tout le monde à vivre confiné. Le bélier est bien embêté, sans parler de ses amis qui n’ont plus de porte. Tous se réfugient dans une grotte. Les chinois lancent une cabbale contre le bélier et pour la protection du pangolin.

Taureau (ancrage du taureau)
Le taureau se prépare à se hâter lentement, ses quatre sabots plantés dans le sol. Attention, une fois qu’il sera en marche rien ne l’arrêtera. Il s’est acheté une propriété avec l’argent bien mérité qu’il a gagné de ses estocades. Il l’a clôturée, au niveau où s’arrêtent les racines de son chêne centenaire, c’est chez lui. Il possède une maison, chaleureusement décorée, avec une grande salle à manger, une grande cuisine où il prépare de bons petits plats pour ses invités, car il adore cuisiner. Il « possède » aussi souvent une famille pour laquelle il est fidèle, très présent et partage sa joie de vivre. Il aime la vie, la nature, la stabilité, parfois il s’emporte un peu, c’est dans sa nature, alors chez lui ça devient un peu la corrida…

Gémeaux (Message aérien)
Mercure n’a plus besoin de son caducée, peu de serpents traînent en ville. Il s’est mis à la page : aux messages internet, au commerce en ligne. Commerce qu’il maîtrise parfaitement : c’est lui le canal qui fait circuler les informations, il est donc au courant de tout avant tout le monde, mais il fait aussi le lien. Sans lien pas de comparaison, d’analyse, de possibilité de regrouper plusieurs éléments possible. Sans lien, pas d’intelligence. (voire de ruse : mercure est aussi le dieu des voleurs) Sans lien pas de voyages, pas de partage, pas d’échanges, de communications. Le lien ne va pas forcément au fond des choses, mais il en donne la possibilité.

Cancer (Bulle poétique)
Au bord de la mer, sur le rebord d’une fenêtre, un petit crabe à l’abri de son cocon de verre contemple « l’or du soir qui tombe ». Il rêve. La lune arrive, lui fait un clin d’œil. Les étoiles qui passent à sa portée, qu’il mange comme des bonbons, ont le parfum de son enfance. Un avion vole, laisse tomber du ciel un papier plié échouant sur les vagues. Le cancer l’attrape et le déplie délicatement de ses pinces habiles. Sur ce papier est dessiné au crayon un carré, qui représente une caisse. Le cancer la regarde avec son cœur, il voit bien le mouton qui s’est endormi à l’intérieur de la caisse. Il sourit. Sous sa coquille, son cœur bat plus fort. Puis il s’endort en rêvant à une rose.

Lion (Zénith)
Le rideau s’ouvre : que le spectacle commence ! Le lion domine et orchestre la scène. Il vous présente la danseuse sur fil, souple comme une liane, le jongleur, le lanceur de fleurs et sa girafe, les chevaux en liberté… Les enfants applaudissent. Mais le CLOU du spectacle, c’est la machine à créer. On appuie sur le bouton, des cœurs s’envolent, se donnent à tous ceux qui veulent, explosent joyeusement dans les mains, dans le ciel, dans les yeux, ça pétille ! La machine se règle à l’énergie solaire, uniquement. Parfois le prestidigitateur, un peu jaloux du succès du soleil, cherche à lui voler la vedette : il sort sa baguette magique de sa cape, tapote un peu la machine. Raté ! Elle ne lui obéit pas, s’enraye, s’emballe et se transforme en boîte de pandore d’où ne sortent plus que de bêtes vanités, arrogances, extravagances, suffisances. Alors le public hue : « Remboursez ! »

Vierge (Etude d’un papillon)
Un dernier papillon marque l’apogée de l’été. La vierge s’en empare à l’aide de son filet à papillon toujours posé sur le rebord de la fenêtre au cas où … Elle décortique minutieusement chaque élément du papillon, mesure chaque aile, en calcule la dimension des surfaces, en déduit la vitesse en vol de ce papillon de jour qu’elle compare ensuite au papillon de nuit, avant de le ranger dans une boîte placée dans un tiroir, rangé lui-même dans la commode à côté de sa collection de poupées russes.
Ensuite elle crée plusieurs répertoires où les papillons sont classés par familles, sous-familles, espèces, couleurs. Elle transmettra ces données au service des entomologistes, sans se vanter de son savoir. Parfois il arrive on ne sait comment qu’un papillon s’échappe, cela la rend folle.

Balance (deux poids, une mesure)
Les poupées Peynet du nom de leur dessinateur, célèbre pour avoir créé le couple d’amoureux du kiosque à musique, auraient inspiré la chanson « les amoureux des bancs publics » de Georges Brassens. Dans la boutique Peynet il y a : « Les jeunes parents » « Diner aux chandelles » « sortie à l’opéra » « Les amoureux célèbres Napoléon et Joséphine »…
Ce sont des poupées fragiles en mousse qu’il ne faut pas malmener sous peine d’assister à leur dissolution. On trouve également dans cette boutique une boîte d’argent finement ciselée contenant une alliance, plusieurs ouvrages de papier dentelle cousus-mains:
« Réussir son mariage » « Le guide des associations » « Le guide des mondanités »
Accroché au mur : « Le baiser » de Klimt.

Scorpion (Test)
Que voyez-vous sur cette image ?
Le capricorne dit : « soyons réaliste, c’est le dessin manqué d’un test de rorschach »
Le verseau dit : « Qui a volé le plan de mon engin aérodynamique ? »
Le poisson : « Est-ce-que l’on peut allumer la lumière s’il vous plaît, je n’y vois rien »
Le bélier est en cellule de déconfinement.
Le taureau demande : « Combien ça coûte ? »
Le gémeaux prend une photo avec son portable et la poste sur les réseaux sociaux.
Le cancer se demande si ça pique.
Le lion l’encadre avec de grosses dorures.
La vierge l’utilise comme plateau-repas.
La balance dit : « C’est de l’art »
Le scorpion s’exclame : « Fichez moi la paix, laissez moi changer de peau tranquille »
Le sagittaire demande : « Quel est ce pays ? »

Sagittaire (Ailleurs)
Ailleurs c’est là ou l’on découvre : l’inconnu, la nouveauté, l’aventure. Le monde s’ouvre à de grands idéaux, au sens profond de la vie. Le sagittaire a bouclé sa valise, il est partit à l’instinct. Optimiste. Moitié cheval : libre de galoper au gré du vent, moitié homme : libre de voyages intérieurs, avide de connaissances. Avec en plus dans son carcan quelques flèches qu’il pourra décocher en cas de besoin il peut fanfaronner, il attire les sympathies.
Dans son bureau confortable, il se lance dans l’écriture d’un traité de philosophie. Le soir tombe. Au loin on entend le feulement d’un tigre. Il allume sa lampe « Orient express » commandée dans le catalogue de l’homme moderne. En plus de l’ampoule, on peut allumer trois bougies. Il sort sa boîte d’allumettes et les allume aussi : c’est une façon comme une autre de « mettre le feu ».

Bonjour Xtophe, bonjour Valérie
Je viens de découvrir ce merveilleux conte zodiacal
Illustrations pleines de magie et de délicatesse
Textes emplis de finesse et de justesse
Un régal
J’ai piqué un fou rire en lisant le texte associé au SCORPIO… wouah comm e cela fait du bien de rir
Et j’ai appris beaucoup d’un coup “insight” sur mon signe solaire
Merci merci merci
Pourquoi le conte commence-t-il par le CAPRICONE ??? pour pouvoir finir par le SCORPION ?
Bonjour Akhenata,
C’est l’année calendaire, le solstice d’hiver, je présume que Valérie a dû vouloir focaliser dessus… 🙂